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IFRS 9 : premiers éléments de reflexion

L’IAS 39, qui régit le traitement des instruments financiers, a célébré ses 10 années d’existence en janvier 2011. Cette norme, malgré les nombreux amendements et autres révisions opérées, n’aura pas résisté à la plus grande crise financière intervenue depuis celle de 1929. Alors qu’à sa création, cette norme faisait la part belle à la juste valeur, seule capable de donner « une image fidèle et sincère » de la situation financière et du patrimoine d’une société, c’est cette même juste valeur qui trouve en partie son origine dans son ultime modification : l’IFRS 9.


La crise financière avait déjà fortement écorné en 2008 le sacro-saint principe de juste valeur des deux côtés de l’Atlantique ; la crise des « subprimes » avait en effet fait réagir le régulateur américain, le FASAB (Federal Accounting Standards Advisory Board), qui autorise depuis, dans certains cas, des reclassements de portefeuilles évalués à la juste valeur vers des portefeuilles évalués au coût.

Cette modification avait engendré une réaction de la part du régulateur européen, l’ IASB (International Accounting Standards Board) ; sous pression des gouvernements et des banques au motif de risque réel de distorsion de concurrence entre établissements américains et européens, il avait dû adopter un amendement similaire autorisant, à compter du 1er juillet 2008, les reclassements des titres vers les catégories de prêts et créances non évalués à la juste valeur.

Cet amendement fut massivement utilisé par les banques européennes en 2008 : le groupe Dexia reclassant près de 100 milliards d’euros, Commerzbank 90 milliards d’euros… Ce même amendement fut également utilisé lors des différentes crises sur dettes souveraines survenues au cours des 2 dernières années.

IFRS 9

L’IASB, qui travaille depuis longtemps sur l’IFRS 9, a publié le 28 octobre 2010 la (deuxième) version définitive de sa nouvelle norme qui complète sa première version publiée le 12 novembre 2009. Cette norme finalise la première des 3 phases prévues par l’IASB et porte exclusivement sur la classification et l’évaluation actifs et passifs financiers. Les autres développements toujours en cours portent sur :
- Instruments financiers : dépréciation, pour lequel l’IASB avait publié un document complémentaire « Instruments financiers: Dépréciation » en janvier 2011.
- Comptabilité de couverture : un projet de la comptabilité de couverture a été publié en décembre 2010.

Ces deux phases sont en cours de « nouvelles » délibérations, leur période de commentaires ayant pris fin respectivement le 1er avril et le 9 mars 2011.

Au vue des travaux déjà publiés, si on appréciera :
- la volonté affichée du régulateur de simplifier les règles existantes, on pense notamment au résultat de la première phase, et particulièrement au classement des actifs désormais évalués au coût amorti ou à la juste valeur en fonction de leur mode de gestion et des caractéristiques contractuelles des flux de trésorerie associés, supprimant par là même les 4 catégories existantes et leurs spécificités propres (règles d’évaluations, d’enregistrements, possibilités de couverture, « Tainting rule »…).
- l’objectif affiché de la comptabilité de couverture, qui est de présenter « l’effet des activités de gestion des risques d’une entité »,
- la prise en compte des pertes potentielles en lieu et place des pertes réalisées (nombre d’observateurs avaient en effet critiqué la constitution de pertes bien tardives et avec, comme corollaire, leur importance au démarrage de la crise des « subprimes »).

On s’interrogera d’avantage sur :
- le maintien de l’option juste valeur pour les passifs financiers, maintenant par là même la règle du « qui perd gagne », même si le régulateur propose, cette fois, de séparer la composante risque de crédit propre, enregistrée en élément des fonds propres (« OCI »), des autres composantes enregistrées en résultat.
- la limitation des possibilités de couverture aux risques pouvant affecter le compte de résultat, entraînant potentiellement par là même une volatilité excessive des fonds propres d’une entité et, à notre sens, en contradiction avec l’objectif de refléter la politique de gestion des risques de celle-ci.
- le fait de considérer le risque de crédit comme une composante de risque non éligible à la couverture ; l’IASB arguant des difficultés d’identifier et mesurer cette composante. En l’état, cette limitation nous paraît être en contradiction totale avec ce que l’IASB demande aux sociétés d’effectuer dès lors qu’elles valorisent leur propre dette à la juste valeur. Pour rappel, l’IASB demande, en cas de valorisation de passif à la juste valeur, de séparer la composante risque « crédit propre » (enregistrée en « OCI ») des autres composantes (enregistrées en résultat).
- Les difficultés opérationnelles à passer d’un modèle de pertes avérées «incurred losses» à un modèle de pertes attendues « expected losses ».

En plus de ces éléments, on aurait également souhaité une plus grande convergence entre les normes comptables internationales et les normes règlementaires et prudentielles, notamment concernant la reconnaissance des couvertures et les modèles d’estimation de pertes attendues. En outre, le passage à la norme IFRS 9 en l’état n’aura pas d’impact sur les éléments constitutifs du portefeuille de négociation prudentiel qui restera propre à la directive 2006/49/CE.

L’IFRS 9 sera applicable aux exercices à compter du 1er janvier 2013. Notons tout de même que l’application ne pourra intervenir pour les entreprises européennes qu’après l’adoption de la Commission européenne sur conseil de l’EFRAG (l’European Financial Reporting Advisory Group). Parions que le nombreuses réflexions en cours devraient modifier encore substantiellement l’IFRS 9, mais, compte tenu des impacts opérationnels et systèmes importants, cette date semble dès à présent très proche ; aussi des travaux préalables devront être entrepris rapidement.

Benoît Becker
Senior Manager CFO Services
Kurt Salmon Luxembourg S.A.

Jeudi 9 Juin 2011




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