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Instance de divorce entre finance de marché et finance d'entreprise

Un beau débat lors de ce Financium, avec des intervenants éminents (1) pour un sujet passionnant et d'actualité, pas du tout épuisé par cette discussion ni épuisant pour les auditeurs. Oyez ma petite restitution, sans prétendre à l'exhaustivité ni à la maîtrise du sujet.


Rémy Mahoudeaux
Rémy Mahoudeaux
M. Seillere a ouvert le débat en évoquant le contexte politique et médiatique qui pollue la perception du public : les deux finances d'entreprise et de-marchés sont complémentaires, même si le langage entre elles a évolué. Il existe désormais une certaine distance, voire une méfiance. M. Seillere a en outre souligné l'asymétrie règlementaire entre finance d'entreprise et finance de marchés. Enfin, les marchés financiers se sont arrogé le droit de mettre des états à genoux, ce que le quotidien La Tribune a traduit par un titre « S&P, nouveau patron de la zone Euro »

M. Cabannes a commencé par battre sa coulpe au nom de sa profession : oui, des excès ont été commis par les banques : rémunérations, complexité des produits, désir d'opacité, manque de professionnalisme dans la gestion des risques passés … Ces erreurs pèsent bien sûr lors de la conciliation avant le divorce des entreprises et de leurs banques. Mais il ne voit pas la scission des banques universelles en établissements spécialisés comme une solution : les faillites retentissantes (Lehman ; Northern Rock) étaient celles de banques spécialisées. Il a souligné le paradoxe de Bâle III : la contraction des tailles des bilans des banques entrainera de facto celle des crédits aux entreprises, et les entreprises qui le peuvent devront aller chercher des financements directement sur les marchés. Le rétablissement de relations à long terme basées sur la confiance dans la relation banque entreprise lui semble indispensable.

M. Duhamel a remis le cheval dans l'axe de la piste en énonçant l'aphorisme comme quoi « l'argent est un bon serviteur et un mauvais maître ». Il a aussi souligné que le normatif 15% de ROE est un dogme néfaste dans la mesure où il incite les financiers à réduire leurs horizons de temps. L'obligation de profits quasi-instantanés conduit les banques à promouvoir un trading pour fonds propres qui génère certes du profit, mais aussi de la volatilité.

M. Meunier, quand à lui, nous a fait part des fluctuations de la part de la finance dans le PIB sur une grande période de plus d'un siècle. Cette part a plus que doublé entre les 30 glorieuses (4%) et aujourd'hui (9%) et il se pose les questions, bonnes ou perfides 1) quels nouveaux services comme contrepartie de cet accroissement, et 2) en avons nous eu pour notre argent ? Les conclusions étaient que les services nouveaux qui existent profitent surtout aux personnes, et beaucoup moins aux entreprises, et que comparer ces performances en poids dans le PIB à celles du secteur de la distribution (passées de 7/8% à 5% de PIB, je suppose sur la même période) met en évidence une restitution insuffisante.

Lors de l'échange plus interactif qui a suivi ces exposés, M. Seillere a rappelé que le vrai divorce se situait entre les financiers et l'opinion, et que pour la conciliation de la pédagogie serait nécessaire (2). M. Cabanes a opiné sur l'excessif niveau du diktat des 15% de ROE et a indiqué que la liquidité abondante et pas chère, c'était du domaine du passé.

L'anecdote livrée en conclusion par M. Manière : Le gouverneur de la banque centrale d'Angleterre : « Even central bankers have dreams », à quoi répond une personne de l'auditoire : « Yes but dreams don't have central bankers »

Les opinions ou questions que je souhaite partager :
Réconcilier la finance de marché et celle d'entreprise me semble un vœux pieux si le marché ne réduit pas son excessive volatilité, à mon sens nuisible du point de vue macro-économique (exemple des volumes de pétrole traités sur dérivés qui sont des multiples déraisonnables de ceux traités sur le spot). C'est un sujet de discussion déjà abordé plusieurs fois entre François Meunier et moi autour du Blog DFCG ;
Rétablir la confiance entre banque et entreprise pour allonger le terme des relations est une louable intention, mais les banques sont-elles d'accord pour dissiper l'opacité dont elles s'entourent à dessein afin de permettre d'être mieux « contrôlées » par leur stakeholders ? Il me semble que cette transparence devrait être implicite, dès lors qu'elle sont potentiellement dans une chaine de risque systémique ;
La nécessaire désintermédiation due au contraintes de Bâle III sur les bilans des banques ne sera un succès que si l'épargne est effectivement drainée, soit directement, soit par le biais d'une mutualisation vers de plus petit corporates ;
Une spécialisation des banques serait inefficace ? Je reste dubitatif. Je n'ai sans doute pas poussé assez loin mon analyse dans mon billet « Scinder les banques » du 12 octobre, mais je frémis à l'idée qu'une seule entreprise qui s'appellerait « Banque universelle » puisse être une banque de détail qui s'inscrit dans le risque systémique d'une macro-économie, et un hedge fund occulte qui fusionne véhicule d'investissements et société de gestion.
Merci à la DFCG pour ce débat de haute qualité.

(1) Séverin Cabannes (Directeur Général Délégué @ Société Générale) – Pierre-Matthieu Duhamel (Président du Comité Stratégique @ KPMG) – François Meunier (Directeur Général Adjoint @ Coface) - Ernest-Antoine Seillere (Président du Conseil de Surveillance @ Wendel) – débats animés avec brio par Philippe Manière (Président @ Footprint>Consultants). Le titre exact était “Finance de marché et finance d'entreprise : le grand écart ?”
(2) et non de la démagogie, lapsus d'anthologie qui a fait s'esbaudir l'assistance, les intervenants et l'auteur lui-même.

Rémy Mahoudeaux
Managing Director, RemSyx

boss@remsyx.com
www.remsyx.com

Vendredi 9 Décembre 2011




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