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Météo et performance financière : EDF montre la voie

Les aléas du climat peuvent avoir des conséquences financières importantes sur le chiffre d’affaires, sur le BFR ou encore l’EBITDA de certaines entreprises. Lorsque c’est le cas, on parle d’entreprises « météo-sensibles ». Trois d’entre elles qui opèrent dans le secteur de l’énergie viennent de publier leurs résultats 2010 : EDF, GDF-SUEZ et VEOLIA.


Jean-Louis Bertrand
Jean-Louis Bertrand
Jusqu’à présent, les actionnaires et les analystes disposaient de peu d’information pour évaluer l’impact financier de la météo sur une entreprise. Les rapports de gestion, qui mettent les chiffres comptables en perspective et éclairent les actionnaires sur la nature de la performance réalisée, étaient parsemés de commentaires parfois sibyllins sur l’impact favorable ou défavorable des conditions climatiques. Cette année marque une véritable avancée dans la qualité de l’information mise à disposition des actionnaires. Bien sûr, tout n’est pas encore parfait. Les rapports de gestion (EDF et GDF-SUEZ) ne sont pas particulièrement plus éclairants que par le passé en ce qui concerne l’impact de la météo. Les communiqués de presse non plus. Ils restent dans la rhétorique habituelle (effet climatique favorable, effet climat positif, ou encore correction climatique) parfois complétée de quelques données de correction climatique chiffrée en TWh. Pour apprécier ce qui a vraiment changé, il fallait assister à la présentation des résultats : et là, on découvre enfin, en euros, ce que sont les aléas climatiques, et ce qu’ils peuvent coûter, ou plus exactement pour ce qui concerne 2010, ce qu’ils ont rapporté.

Il faut saluer le travail remarquable d’EDF, qui propose une présentation qui fait figure de « best practice » en la matière ! EDF a porté un soin tout particulier dans le niveau d’information fourni aux actionnaires dans les annexes et lors de la présentation des résultats du 15 février 2011. En plus des corrections climatiques en TWh, place à un langage financier clair et compréhensible de tous ! EDF précise ainsi que le CA France 2010 a augmenté de 2 092 millions d’euros d’une année à l’autre (+ 6.1%). Cette hausse de CA s’explique par une hausse des tarifs à hauteur de 1 013 millions d’euros et un impact positif de la météo de 337 millions d’euros. Qu’en est-il de l’EBITDA ? Il est en hausse de 721 millions d’euros (+ 7,7%), et la contribution de la météo à l’EBITDA est de 215 millions d’euros. D’une année à l’autre, EDF expose de façon limpide les postes qui ont contribué à l’évolution du CA et de l’EBITDA. La météo-sensibilité n’a jamais été exprimée aussi clairement que ce que vient de faire EDF ! (voir graphiques de l’évolution du CA et de l’EBITDA France)

Météo et performance financière : EDF montre la voie
GDF-SUEZ n’a pas encore tout à fait atteint ce niveau de clarté. Le communiqué de presse, GDF-SUEZ précise que les ventes de gaz ont […] augmenté de 6,7% du fait principalement d’un hiver exceptionnellement rigoureux, la correction climatique étant de +30TWh par rapport à 2009. Ici, pas d’euros, mais des TWh. A l’instar d’EDF, c’est la présentation des résultats du 3 mars 2011 qui permet d’en savoir plus. Rien sur la contribution en euros au chiffre d’affaires, mais la diapositive 19 précise la contribution de la météo à l’EBITDA, la sensibilité climat sur l’EBITDA étant de +/- 10 millions d’euros par TWh. Sur la même diapo, la correction climatique 2010 – qu’on suppose être la correction par rapport au climat moyen - est de +25,8 TWh. Faut-il en déduire que la contribution de la météo à l’EBITDA 2010 de GDF-SUEZ est de l’ordre de 258 millions d’euros ? Les objectifs financiers 2011 annoncés par GDF-SUEZ reposent eux aussi sur un climat moyen. Les analystes qui pensent à se doter des outils de suivi météo appropriés devraient être en mesure d’ajuster leurs objectifs en fonction de la météo accumulée en 2011.

VEOLIA est la troisième entreprise à présenter ses résultats le 4 mars 2011. Le rapport de gestion n’est pas encore disponible, mais le communiqué de presse nous apprend que la capacité d’autofinancement opérationnelle a bénéficié d’un effet climat très positif (+35 M€). Pour en savoir plus, il fallait là encore assister à la présentation. Ainsi, on apprend que la contribution de la météo au Chiffre d’Affaires a été de 160 M€ en 2010 dont 99M€ pour la France et 37M€ pour l’Europe Centrale.

Trois entreprises, trois méthodes de communication, mais un même constat : la météo a un impact significatif sur le CA ou sur l’EBITDA, un impact quantifiable, en euros, qu’on peut dès lors interpréter comme la contribution des variations de change ou celle du prix des matières premières (voir Tableau 1 : ce que la météo leur a rapporté en 2010).

Météo et performance financière : EDF montre la voie
L’effort de transparence de ces trois entreprises est d’autant plus louable que l’année 2010 est une année climatiquement favorable. En effet, le secteur de l’énergie en France est très sensible aux anomalies de température. Une température plus froide que la normale explique jusqu’à 80% de la surconsommation d’énergie. L’année 2010 est une des années les plus fraîches depuis 20 ans, la température moyenne étant inférieure de 0,3°C aux normales. Il faut remonter à 1996 pour trouver une autre année climatiquement favorable, puisque de 1997 à 2009, les températures moyennes ont toujours été supérieures aux normales, c’est à dire que depuis 1997, le climat avait toujours été défavorable au secteur de l’énergie !

La météo-sensibilité, telle qu’elle publiée aujourd’hui par EDF aurait permis au fil des ans d’apprécier encore davantage l’importance des risques météo et de s’interroger sur la nécessité de couvrir une partie de la volatilité de l’EBITDA liée à la météo. Elle aurait également mis en valeur la capacité de l’entreprise à maîtriser sa rentabilité dans un environnement défavorable. C’est désormais possible. On connaissait les résultats à taux de change ou à périmètre constant. Pour les entreprises dont l’impact météo est élevé et nécessite d’être géré, la performance financière peut être exprimée à climat constant. Connaître la contribution de la météo à la performance opérationnelle et financière de l’entreprise est certes utile aux actionnaires et aux analystes, mais c’est encore plus indispensable aux dirigeants de l’entreprise concernée qui bénéficient dès lors d’une meilleure compréhension des résultats et peuvent avant les autres mettre en place les stratégies qui s’imposent.

Le secteur de l’énergie est loin d’être le seul concerné par l’impact météo, et l’année 2010 est suffisamment atypique pour que l’impact météo sur la performance de nombreuses entreprises soit significatif. EDF a montré le chemin lors de la présentation de ses résultats. D’autres dirigeants ont tout à gagner à isoler la contribution de la météo à la performance de l’entreprise. Leurs actionnaires aussi !

Jean-Louis Bertrand
Enseignant-chercheur à l’ESSCA Ecole de Management
Directeur de la Chaire Banque et Gestion des Risques
Consultant en gestion des risques météorologiques pour METNEXT

Jeudi 17 Mars 2011




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